L’amiante : d’un produit naturel fabuleux à un scandale sanitaire planétaire

On a retrouvé des traces de fibres d’amiante dans des poteries datées de 4500 ans avant Jésus Christ. Les égyptiens maîtrisaient son utilisation et confectionnaient des linceuls, draps pour ensevelir leurs morts. Amiante vient du grec : Amiantos que l’on peut traduire par incorruptible. Le nom Asbeste issu du lan et voulant dire, incombustible est plus utilisé à travers le monde.

Ce n’est que vers 1840, lors de la révolution industrielle, que l’amiante a commencé à être utilisée massivement dans l’industrie. En 1900 l’Autrichien Ludwig Hatschek dépose le brevet de la fabrication de L’amiante-Ciment qui prendra rapidement le nom d’éternité, avec une utilisation massive dans les plaques de toiture. Le pic d’utilisation de l’amiante en France est situé entre 1973 et 1975 avec environ 150 000 tonnes utilisées par an (Source : Amiante-Risques-INRS 2024).

Les dates à retenir

L’utilisation de l’amiante dans la construction des bâtiments a été interdite en France le 01/01/1997. Il faut ajouter 5 ans de plus pour arriver au 01/01/2002 et voir l’interdiction définitive de l’amiante pour toutes ses utilisations. La situation dans le monde est plus complexe. L’Europe a décrété pour ses membres, l’interdiction en 2005, mais encore aujourd’hui seuls 60 pays ont interdit son utilisation.

L’amiante est encore utilisée en Russie, Chine, Brésil… En Amérique, la situation n’est pas très claire ; une loi votée à l’unanimité au Sénat en 2007, n’a pas été ratifiée par le président Bush. Attention à ceux qui seraient tentés d’acheter sur certains sites chinois des plaquettes de freins à un tarif défiant toute concurrence ! le certificat «Free Asbestos » (sans amiante) délivré, autorise un produit pouvant contenir 9,99% d’amiante.

Tout est en fait, dans l’interprétation du danger que représente l’amiante. Pour rappel, la France savait depuis 1906 (rapport de l’inspecteur du travail Denis Auribault) que l’amiante provoquait des cancers et ne l’a définitivement interdit qu’en 2002.

Quelles incidences sur les utilisateurs ?

Un produit miraculeux mais avec des conséquences souvent irréversibles pour la santé des utilisateurs. Les propriétés de l’amiante lui confère aussi une bio-persistance, qui empêchent nos défenses immunitaires d’éliminer les fibres que nous respirons. Les recherches médicales à travers le monde confirment la dangerosité de l’amiante et les premières reconnaissances de maladies professionnelles sont établies en 1945 en France.

L’amiante provoque essentiellement des maladies respiratoires pouvant entraîner le cancer broncho-pulmonaire et le cancer de la plèvre (mésothéliome). Confirmé en 2009 par la recherche, les dangers de l’amiante ne se cantonnent pas qu’aux voies respiratoires. Le tableau de maladies professionnels 30ter, créé le 14 octobre 2023, reconnaît l’origine professionnelle des cancers du larynx et des ovaires.

Comment expliquer à des millions d’utilisateurs de l’amiante en France, que du jour au lendemain, le 01/01/1997 ; ce produit miraculeux est devenu un danger mortel ?

Comment répondre à un maçon qui vous dit : je n’ai que 2 trous à percer dans ce mur, ce n’est pas dangereux. Ou le couvreur qui pensant que travaillant en extérieur, il ne sera pas contaminé par les poussières d’amiante qu’il a générées en bougeant les plaques.

On ne parle ici que de professionnels du BTP ; en oubliant les populations vivant à proximité des carrières d’extraction de l’amiante à ciel ouvert. Concernant la Corse, la carrière de Canari (Haute Corse) exploitée de 1927 à 1965, n’a été mise en sécurité que sur une campagne longue de 2009 à 2014. Son démantèlement est prévu en 2025. Malheureusement, l’amiante est un contaminant sans seuil. Les médecins ne peuvent nous dire si 1, 2, 10 fibres d’amiante respirées, ne provoqueront pas dans 30 ou 40 ans un cancer.

Malgré cet intérêt évident pour un produit naturel, la prise de conscience politique tardive du problème de santé publique a entraîné un durcissement significatif de la réglementation et principalement du code du travail. L’amiante est à ce jour le seul produit chimique Cancérogène-Mutagène-Reprotoxique, pour lequel l’employeur doit tracer l’exposition de ses salariés, après chaque exposition.

Une date à retenir, celle de 2002. Plusieurs arrêts de la cour de cassation reconnaissent la faute inexcusable de l’employeur dans le cas de maladie professionnelles. L’obligation de sécurité de MOYENS se transforme en obligation de RÉSULTAT. Le coupable par principe est connu d’avance aux yeux des juges ; c’est celui qui détient le pouvoir dans l’entreprise, de fait ou par délégation. Ce principe d’obligation de résultat, ou sur les dernières jurisprudences, d’obligation de moyens renforcés, s’applique à tous les risques professionnels. Et si ou ajoutait à cela, une récente obligation règlementaire, d’archiver par année civile son Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUEVRP) sur un serveur dédié externe à l’entreprise pendant 40 ans…

Maintenant, dans le concret et le quotidien, comment fait-on ?

Je ne connais pas une société qui a inscrit dans ses statuts, la volonté explicite de respecter le code du travail. C’est bien sûr sous-entendu. On voit ceux qui connaissant les risques pénaux et civils, s’emploient à coller au plus près de la loi et ceux qui connaissent à adopter la politique de l’autruche : pas vu, pas pris.

S’informer, se former, s’équiper, en plus de relever de la loi, reflète le bon sens et la saine gestion de son entreprise. Sans trop rentrer dans les détails ; de l’eau, du plastique et du scotch, résumerait une bonne partie des protections collectives à mettre en place pour travailler sur l’amiante. Pas trop compliqué ni trop coûteux ? Par contre le fondamental à ne pas oublier c’est l’évaluation préalable du risque d’exposition, qui permettra de définir la technique d’intervention et les protections individuelles. Déjà vu cette approche ? (DUEVRP)

Notre corps est une superbe machine, qui sait nous alerter quand ça pique, brûle ou ne sent pas bon. L’amiante ne se voit pas, n’a pas d’odeur ni de goût. Soyons tous acteurs de notre propre sécurité, prenons le temps d’analyser pendant 2 mn une situation de travail avant d’intervenir, de nous former et nous informer, nous n’aurons peut-être pas besoin d’utiliser nos fiches d’exposition pour la reconnaissance de la maladie professionnelle.