Peut-on encore travailler sous la chaleur estivale ?

Photo Frédéric Combes

FRÉDÉRIC COMBES

Consultant HSE

EazySAFE

Pourquoi encore travailler à + 35 °C ? Car la flemme vient toute seule, non ? Déjà + 20 °C au lever du lit : ouh la la ! Il va faire encore bien chaud aujourd’hui… Et la flemme se glisse dans votre esprit dès le petit déjeuner. Arrivé sur votre lieu de travail, déjà + 25 °C avec les premières gouttes de transpiration… Vous aviez raison : ça s’aggrave bien ! Puis le déjeuner du midi avec des collègues : ah oui déjà + 29 °C ! Qu’est-ce que ça cogne… et vous déjeunez en terrasse. Complètement sonné par la chaleur, vos vêtements tout collants et la digestion aidant, vous rentrez sur votre lieu de travail, il fait + 32 °C. Complètement déprimé, vous vous traînez jusqu’à la machine à café où vous retrouvez d’autres collègues complètement sonnés eux aussi : trop chaud pour travailler ! Ah oui ça s’est bien vrai alors !!! C’est illégal de travailler au-delà de + 35 °C, je crois non ? Silence médusé de vos collègues… Scène de la vie professionnelle courante, mais que dit le Code du Travail ?

Soyez complètement rassurés :

Le Code du Travail ne dit rien sur le travail par forte chaleur ! Toutefois, le Code du Travail impose des choses plus subtiles, mais peut-être pas encore pleinement abouties ?

A vous de juger :

  • Les articles R.4212-1 à 7 ne mentionnent que la ventilation et l’assainissement des locaux
  • Les articles R.4222-1 à 26 mentionnent les obligations de l’employeur pour l’aération et l’assainissement des locaux, et plus particulièrement :
  • L’article R.4222-1 mentionne que : « Dans les locaux fermés où les travailleurs sont appelés à séjourner, l’air est renouvelé de façon à :

– Maintenir un état de pureté de l’atmosphère propre à préserver la santé des travailleurs ;

– Éviter les élévations exagérées de température, les odeurs désagréables et les condensations », sans toutefois préciser ce qu’est précisément une élévation « exagérée » de température

  • L’article R.4222-4 mentionne que : « Dans les locaux à pollution non spécifique, l’aération est assurée soit par ventilation mécanique, soit par ventilation naturelle permanente.

Dans ce dernier cas, les locaux comportent des ouvrants donnant directement sur l’extérieur et leurs dispositifs de commande sont accessibles aux occupants »

  • Quant aux obligations de l’employeur concernant l’ambiance thermique des locaux, les articles R.4223-13 à 15 ne parlent que de la saison froide…
  • Seul l’article R.4213-7 donne une règle à suivre : « Les équipements et caractéristiques des locaux de travail sont conçus de manière à permettre l’adaptation de la température à l’organisme humain pendant le temps de travail, compte tenu des méthodes de travail et des contraintes physiques supportées par les travailleurs. »

 

En conclusion,

il n’existe pas à ce jour de définition réglementaire de la forte chaleur. Mais comment permettre ou mesurer « l’adaptation de la température à l’organisme humain pendant le temps de travail » ? Car les effets de la chaleur sur l’organisme humain sont pourtant bien connus et nombreux, mais néanmoins fort variables d’un individu à un autre :

  • Céphalées, crampes, transpiration et déshydratation, mains moites
  • Temps de réaction qui s’allonge, perte d’équilibre, confusion mentale
  • Epuisement, respiration rapide, tachycardie
  • Coup de chaleur lorsque la température corporelle interne dépasse 40,6 °C
  • Décès en cas de défaillance de la régulation de la température corporelle interne

 

Ce que l’on omet souvent de dire à la météo

C’est le taux d’humidité relative de l’air associé au + 35 °C qui vous est prédit pour le lendemain. Car le problème d’adaptation est bien là : dès qu’il fait plus sec, la chaleur est ressentie « moins forte » ; dès qu’il fait plus humide, la chaleur est ressentie alors comme « plus forte », alors que c’est la même… Il est pourtant bien utile de savoir que l’organisme humain est doté d’une régulation thermique interne remarquable mais fort sensible à l’humidité. La sudation fait partie de cette régulation thermique, mais elle est tout simplement ralentie lorsque l’humidité relative de l’air augmente, ce qui entraîne une sensation de « plus chaud », bien qu’il ne fasse pas plus chaud. C’est juste la régulation thermique interne qui est modifiée. D’où l’importance de mettre en place des parades complémentaires pour aider son corps à s’autoréguler plus souplement.

Bien sûr, l’employeur doit aménager les locaux pour mettre à disposition de l’eau potable et de l’eau fraîche (article R.4225-2 du code du travail et suivants).

 

Sur le plan scientifique

Le risque « climatique » lié à la chaleur et au taux d’humidité est souvent donné par une grille d’acceptabilité du risque qui est parfois nommé « indice de chaleur » ou en anglais, Heat Index. Historiquement, le Heat Index Chart fut donné par le Service Météorologique Américain. Mais aujourd’hui, il en existe plusieurs avec des températures données en degrés Fahrenheit ou en degrés Celsius. L’avantage de ces grilles est qu’elle donne des seuils factuels comme par exemple :

  • Premier niveau : gêne ou inconfort
  • Second niveau : inconfort soutenu
  • Troisième niveau : danger
  • Quatrième niveau : mise en danger probable de la santé des salariés

(voir aussi l’index Humidex créé par les météorologues canadiens)

 

Chaque niveau est défini dans une grille d’indice de chaleur

Une entreprise peut décider les mesures associées déjà pour des personnels particuliers (antécédents médicaux, grossesse, âge de plus de 50 ans, obésité…), et ensuite pour les autres personnels. Du coup, les règles sont claires pour tout le monde. Par exemple, certaines pistes peuvent être proposées concernant l’exposition à la chaleur (durée à limiter), l’intensité du travail physique (réduction de l’intensité ou de la répétition), l’isolement de certains salariés (à réduire, voire supprimer), l’autorisation de pauses plus fréquentes ou même des horaires aménagées (voire décalées), rédiger une fiche de procédure d’urgence en cas de salarié affecté par la chaleur au travail.

NB : L’évaluation des risques liée aux ambiances climatiques doit être prise en compte dans le Document unique d’évaluation des risques professionnels.

Bref, la chaleur, c’est sérieux mais c’est bien une combinaison température / humidité qu’il faut retenir pour décider de consignes temporaires en cas de canicule.

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